Eric Bouvet – Burning Man

Après des Études à l’école Estienne Éric Bouvet devient en 1982, reporter photographe.

Ses deux pays de prédilection sont l’Afghanistan et la Tchétchénie. Dans chacun d’eux, il s’est rendu au moins une dizaine de fois.
Il a couvert également les conflits internationaux et les grands événements comme les funérailles de Khomeiny, la chute du mur de Berlin, la révolte étudiante de Tien An Men à Pékin, la libération de Mandela en Afrique du Sud, les funérailles de Rajiv Gandhi, les Jeux Olympiques de Séoul, la chute du Concorde à Goussainville, le tremblement de terre en Algérie …

Il a obtenu de nombreux prix dont le Visa d’Or du Festival du Photo-journalisme de Perpignan pour son travail en Tchétchénie en 2000 et Éric s’est vu à nouveau remettre un VISA d’or cette année 2012 dans la catégorie News pour son reportage sur Bab al-Azizia (Libye), réalisé depuis la caserne fortifiée de Mouammar Kadhafi en août 2011

Il a aussi obtenu plusieurs World Press Photo : 2éme prix natures séries – Gaz toxiques, Cameroun (1987) ; 1er prix news features – Les funérailles de Khomeiny (1990) ; deuxième prix spot news – La guerre du Golfe (1991) ; 3éme prix news stories – Commandos Russes, Tchétchénie (1995).

 ÉRIC BOUVET, Reporter Photographe,

www.ericbouvet.com

EXPOSITION BARROBJECTIF 2013 : Burning Man : l’art déjanté à ciel ouvert

Pour le festival Burning Man, 60 000 artistes d’un jour sont venus s’éclater, planer et créer dans le désert du Nevada.

Toute la journée, on a doublé des vans et des pick-up chargés de tentes et de matelas. Une véritable transhumance mécanique. Depuis San Francisco, il faut environ huit heures pour rejoindre Black Rock City, capitale éphémère de la planète de « L’homme qui brûle ». Burning Man, festival le plus déjanté de toute l’histoire des grands rassemblements « rock ». Le problème, mais c’est aussi ce qui fait le charme et le succès de l’endroit, c’est qu’ici les organisateurs n’organisent rien. Question programmation artistique, ils se contentent de donner le thème de l’année. En 2012, c’était « Fertilité 2.0 ». Aux festivaliers d’improviser !

Du point de vue matériel, c’est encore pire. Hormis des aires de stationnement et des toilettes publiques mobiles, Black Rock City ne propose aucun service. Il n’y a pas une gargote. Au contraire ! Burning Man a chassé les marchands du temple. Les transactions commerciales y sont prohibées, l’argent banni. Il vaut mieux s’équiper avec sérieux et faire des provisions abondantes. D’eau surtout. Le thermomètre grimpe à 40° dès le matin. Ceux qui ont l’intention de prendre une douche sont priés de se munir d’un système de recyclage des eaux usagées. Avec la gratuité, c’est le second principe fondateur de Burning Man : on ne laisse pas de traces. Au terme d’une semaine de folie, le désert du Nevada devra être rendu à sa pureté originelle. Tout cela a un prix : de $200 à $450 le ticket d’entrée, selon qu’on le prend plus ou moins tôt. Comptez $5 000 pour louer un mobil-home, $1 500 pour un van. Burning Man a souvent été taxé de « Woodstock pour bobos ».

Classiques, hippies, punks, rastas… chaque tribu a son camp

La nuit tombe sur Black Rock tandis qu’un comité d’accueil vérifie les billets et demande en riant aux nouveaux arrivants de se soumettre au rite de passage obligé pour devenir un Burner : se rouler dans la poussière. Il faut « faire l’amour avec la playa », la plage, ainsi qu’on appelle ce lac desséché qui a perdu le goût des vagues depuis des millénaires. Chacun rejoint ensuite son « camp » ; son véhicule ne bougera plus. Les Burners se groupent pour la plupart par affinités. L’art extrême et les looks délirants sont le quotidien. Chaque tribu a son camp. Elles sont toutes là. Il y a bien évidemment les classiques, hippies, punks, rastas, mais de plus en plus de nouveaux genres inspirés par l’heroic fantasy et l’exubérance totale.

Burning Man a des allures de carnaval. Comme à la belle époque de Venise, il ne s’agit pas seulement d’être déguisé, presque tous les festivaliers le sont outrageusement, mais plus encore d’une rupture avec les codes en vigueur. Comme la fille des rues de la Renaissance qui se métamorphosait en marquise, le Burner se projette au cœur du spectacle. Il n’y a pas de têtes d’affiche à Burning Man. « C’est exactement l’opposé d’un festival normal, d’une expérience passive où tout est programmé, prédigéré », précise le site de l’événement. Le maître mot de « L’homme qui brûle », c’est participer. Donner de soi. Entendu dans un sens très large. On peut donner un concert de rock, une représentation théâtrale, un happening, un cours de gymnastique orientale, un dîner esquimau, un apéro géant… Il n’y a pas de bars dans l’enceinte du festival, mais rien n’empêche d’offrir une « French Bistro Afternoon » avec bourgogne frais, ou un « cocktail caraïbe » en plein désert. Ce sont des one-time events, qui sont répertoriés dans le petit guide édité par la Black Rock Society, la compagnie mère de la manifestation. Happening permanent pétri d’utopie, Burning Man est une drôle d’expérience humaine.

Une fille se promène avec un petit panneau qui mentionne « Baisers pour tous ». On peut se contenter, dixit le service de presse, de « faire le café pour les copains qui campent à côté ». Mais pas question d’être timide, ou pire, de virer voyeur. Il faut s’aimer, donner, participer.

Toutes les œuvres d’art doivent finir dans les flammes

Larry Harvey, le père de Burning Man, le jeune Californien qui mit le feu sur une plage à une effigie d’homme en bois en juin 1986, adore théoriser. Les Burners sont régis par dix principes. Le premier est « l’inclusion solidaire radicale ». En clair, tout le monde est le bienvenu.

« Exchanghibition Bank », un arbre fait de billets de banque fantaisistes entouré par des banquiers d’opérette. Une installation de Dadara, un artiste-sculpteur-performeur hollandais qui l’a offerte à Burning Man.

Les Burners disent que « décrire le Burning Man à quelqu’un qui n’y a jamais été, c’est comme tenter de décrire les couleurs à un aveugle de naissance ». Vrai. On connaissait les raves, les teufs jusqu’à l’aube, les orgies des bords de la mer Noire, les nuits hallucinées des tropiques. Burning Man est la fête ultime. C’est comme se promener dans un rêve. Une danseuse épuisée se repose dans une balançoire en forme de cœur en néon rose. Un incendie parfaitement maîtrisé embrase une maquette géante de Wall Street. Toutes les œuvres d’art réalisées à l’occasion de Burning Man doivent finir dans les flammes. Le plaisir comme la beauté est forcément éphémère. Une énorme araignée montée sur un châssis de bus assure le transport des fêtards amateurs d’art entre les divers « événements ». C’est un « véhicule mutant » ou « voiture artistique ». Ce sont des chefs-d’œuvre de loufoquerie. Muffin géant, chariot de western, sous-marin jaune, monstre préhistorique, ils errent à travers la « playa » de bars improvisés en dance-floors disco et autres performances d’allumés. Tout autour, le désert est piqué de « créations », pardon, de « dons » ! Ici, une guitare électrique surdimensionnée surlignée de néons fluo, là, trois lettres géantes EGO, un peu plus loin un bateau pirate en train de sombrer dans le sable. Cracheurs de feu, danseuses orientales, cow-boys nudistes avec Stetson, patrouilles de policemen en bas résille, pseudo-Bédouins dépoitraillés, Mongols de pacotille, c’est le grand Magic Circus.

Le crépuscule tombe dans d’insensés orangés. Des Burners se recueillent face au soleil couchant, d’autres se défoncent. Le Burning Man Tip Sheet, l’imprimé distribué à l’entrée qui explique comment fonctionne le festival, stipule que « les drogues sont illégales ». Chaque année, les rangers du Bureau of Land Management, l’office fédéral d’aménagement du territoire, procèdent à des dizaines d’arrestations. C’est peu au regard des plus de 50 000 « participants », ainsi que les Burners aiment s’appeler. Sous les étoiles, Black Rock City s’incruste dans le désert comme un croissant de lune. Face à l’arc de cercle où vivent les résidents se dresse la sculpture de Burning Man, qui finira dans un autodafé joyeux le dernier samedi du festival. Aux portes du néant, à grand renfort de libations et de « good vibrations », on brûlera les souvenirs, on célébrera l’éphémère comme art de vie.

C’est quoi, au fait, Burning Man ? Le dernier rendez-vous « hype » du moment ? Ça fait plus de vingt ans que ça dure ! Vieux rêve post-hippie ou big moment de détente pour jeunes génies stressés de la Silicon Valley, c’est l’endroit où on se lâche complètement. Mais avec classe. Aucune pub, aucun sponsoring ne pollue cette rencontre. Les frais sont couverts par les tickets d’entrée. Une aube somptueuse se lève. La magie de la nuit s’estompe. Éric, qui n’a pas complètement oublié son métier de photographe, exulte : « Je suis comme un gamin, j’en ai plein les mirettes. »

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