Je m’intéresse depuis quelques années à la dimension poétique des images photographiques – que j’essaie de définir, par ailleurs, dans un essai que je suis en train de rédiger sur ce sujet.
Cela signifie, entre autres choses, que je me tiens à l’écart de tout effet réaliste ou naturel des scènes que je photographie. Je privilégie la mise en scène délibérée, le caractère un tant soit peu artificiel, ou quelquefois plus délibérément construit, de la pose des personnages.
Le caractère non absolument explicitable du sens de l’image, son décalage perceptible vis à vis de la lisibilité directe, le côté un peu énigmatique de la scène, constituent les dimensions essentielles que j’explore dans mes images.
Il peut s’agir de faire sentir une mélancolie, un mystère ; ou bien un effet de basculement et de saisissement qui laisse le spectateur un peu interdit.
De façon plus générale, je cherche à ce que l’image ouvre vers un espace mental et un sens qui ne sont pas entièrement maîtrisables. C’est pourquoi je joue de tous les aspects de la prise de vue qui permettent ces effets : la composition et le cadrage, bien entendu, mais aussi les accessoires que portent les personnages, quand il y en a. Je joue de la théâtralité de leur pose, et du type de regard que je leur demande d’adopter, impassible et sans expressivité.
C’est aussi le traitement en noir et blanc que je choisis la plupart du temps, car il donne toute sa dimension théâtrale aux images que je construis.
EXPOSITION BARROBJECTIF 2014 : L’incertitude
Cette série met en scène l’énigme que constitue pour une jeune fille l’individu qui émerge en elle au sortir de l’enfance. Cette jeune fille se nomme Clara.
Clara a perdu la complicité qui la reliait aux choses ; elle est en train de quitter l’insouciance. Elle interroge ce que peut être sa prochaine identité. Elle est tournée vers un avenir qu’elle sait être celui d’une femme, mais sans en comprendre la teneur.
Le regard qu’elle porte vers nous est comme interloqué, chargé de l’expérience de basculement qui lui arrive. Il comporte une interrogation sur la nature de la féminité.
La série se compose de deux types d’images, en noir et blanc, légèrement colorisées par endroits :
– 10 portraits de Clara, de format A3 .
– 11 plus petits formats (A4) accompagnant les portraits et reprenant un objet – ou un objet apparenté – figurant sur les portraits eux-mêmes.
– La disposition de l’ensemble donne des diptyques ou des triptyques, chaque fois centrés sur un portrait accompagné de ses objets latéraux.
Le rythme de la séquence est construit pour donner le sentiment d’une fugue musicale, le thème se rebrodant dans les appogiatures que semblent être les petits formats côtoyant les grands portraits.