Sophie Latapie et Pierre-Antoine Raimbourg – Voyage en marche

L'arrivée au pied du volcan Licancabur marque la fin de notre périple en Bolivie
L’arrivée au pied du volcan Licancabur marque la fin de notre périple en Bolivie

EXPOSITION BARROBJECTIF 2016 : Voyage en marche

Marche ou rêve…

Marcher: mettre un pied devant l’autre et répéter ce geste à l’infini. On n’a encore rien trouvé de mieux pour découvrir le monde en prenant son temps. Avec des rêves d’aventures plein la tête, nous avons quitté en mai 2015 notre petit village d’Esse en Charente limousine et nous nous sommes mis en marche pour une année de voyage à pied et à cheval en itinérance. Après avoir traversé la France, nous avons rejoint les Pyrénées ariégeoises avec nos chevaux de Mérens. Nous nous sommes ensuite envolés vers la NouvelleZélande à l’assaut du Te Araroa. Ce sentier, d’une longueur de 3 300 kilomètres, traverse intégralement les deux îles, depuis Cape Reinga, au Nord, jusqu’à Bluff, au Sud. Puis, nous avons marché plusieurs mois en Amérique du sud, en Patagonie et en Bolivie.

12-Otago Nouvelle-Zélande

Qu’est-ce qui nous a poussé à nous lancer dans une marche de plusieurs mois ? Pourquoi decideton un jour de traverser un pays à pied ? Ces questions nous ont été posées de nombreuses fois par les personnes croisées en chemin. Quand les gens se rendaient compte que nous voyagions à pied, il y avait d’abord une réaction d’étonnement. « Mais vous êtes fous ! » s’exclamaientils, bien souvent. Comme si, seule la folie pouvait expliquer que l’on ait l’idée saugrenue de marcher sur une si longue distance. La surprise laissait ensuite place à l’enthousiasme et parfois même aux encouragements ou aux félicitations. Aux yeux des autres, nous étions certes fous mais des fous dotés d’une certaine bravoure, ce qui dans un sens est louable. De notre point de vue, nous n’avons pas l’impression d’avoir fait quelque chose d’extraordinaire ou d’insensé. Nous avons juste marché, mis un pied devant l’autre pour atteindre un col, puis un autre col, et encore un autre, jusqu’à parcourir ces milliers de kilomètres. Certains pensent que nous avons accompli un exploit pourtant, marcher tout le monde peut le faire. Ce n’est pas la folie qui a guidé nos pas pendant plusieurs mois. Les raisons qui nous ont amenés à ce projet sont multiples : envie de se mesurer à un défi physique, volonté de privilégier un mode de déplacement lent pour prendre le temps d’observer les paysages, pour aller à la rencontre des gens, pour réfléchir, besoin de vivre en pleine nature…

Une nouvelle journée démarre...
Une nouvelle journée démarre…

Marcher, une philosophie

Le voyage à pied est une initiation : l’opportunité, à tout moment de la vie, de vous découvrir et de devenir. La vie nomade apporte de l’humilité. Elle vous soumet à une vision juste de ce que vous êtes vraiment – de ce que sont forces et aussi vos faiblesses. Les vies actuelles sont bien remplies – peut-être un peu trop même ? Ceux qui ont déjà marché plusieurs jours ou semaines savent quel sentiment de liberté elle procure. Voyager à pied impose de n’emporter que le strict nécessaire – ce qui vous conduit à l’essentiel. Chaque objet est choisi avec discernement : utile ou futile? Vais-je l’utiliser tous les jours ? Un sac trop rempli sur le dos, la marche peut devenir une torture. La force des choses vous apprend à vous détacher du superflu. Le dépouillement peut aussi faire renaître en chacun la capacité d’émerveillement, une faculté souvent affaiblie par des vies trop chargées. Ressentir la pluie sur votre visage; emplir vos poumons de l’odeur de la mousse humide dans un sous bois; écouter autour de vous, le souffle du vent, le bourdonnement des insectes, le ruissellement de l’eau, le chant des oiseaux, contempler un paysage en vous imprégnant de chaque détail, apprécier la chaleur se dégageant dans votre corps après avoir avalé une gorgée de thé. Faire communier la nature avec votre corps. Vivre en pleine conscience. Le soleil dicte la marche – de l’aube au crépuscule. L’ombre du marcheur indique l’avancement de la journée. L’instantanéité du monde contemporain n’a pas sa place dans le lent déroulement du pas. Le voyage accomplit le miracle de ralentir le temps.

Sophie Latapie et Pierre-Antoine Raimbourg

Texte en PDF Sophie Latapie et Pierre-Antoine Raimbourg
www.voyageenmarche.com