Bénarès, Vârânasî… !? Peu importe. Point de convergence des corps et des âmes. Je marche sur le fil de l’existence. Les Ghats, ce chemin entre la vie et la mort.
Nulle part ailleurs, je ne me sens aussi vivante, aussi mortelle. Ma raison vacille, perd pied. Une sorte de distorsion de ma perception. D’un coté la présence physique, de l’autre l’abime spirituel. Entre les deux, des corps, du feu, de l’eau, du sang, des couleurs, des senteurs, des chants, des prières. Je m’étourdis de cette atmosphère. Mélange d’un univers matériel et spirituel, condensé de larmes, d’espoir, de rires, de silences.
Ma raison vacille, ma vue se trouble. Suis-je bien présente ? Le sont-ils vraiment ? La vie glisse sur les marches, se noie dans les eaux, renait dans les chants, s’envole dans la fumée, s’enferme dans les cendres, remplit le vent…
Cet homme n’en sera bientôt plus un. Cette femme prépare son passage vers un ailleurs. Cet enfant prend le temps de vivre. Il sait qu’un cycle est en cours, passager éphémère du vivant. Je respire, au bord de la suffocation. Je regarde, proche de la cécité. Je touche, à la limite de la brûlure.
Je suis…
Ses expositions récentes :
- 2016 « Amish, un monde décalé » Le Splendid, Langoiran
- 2015 Festival Présence photographie, Montélimar
EXPOSITION BARROBJECTIF 2016 : Indian Vertigo
L’Inde est un choc pour les voyageurs, un quitte ou double de l’esprit, qui s’adapte ou se fracasse sur l’incompréhension culturelle. Bénarès réserve la même épreuve aux plus aguerris des voyageurs. L’accoutumance doit se faire, le cerveau doit s’imprégner du tumulte de la ville.
« Boat, roupies, hachich !… » Les malades et les mendiants réclament une aumône ; les corps brûlent sur les bûchers, les plus pauvres flottent dans le fleuve. Votre esprit est au bord de l’implosion, vos sens au bord de la saturation. Mais vous auriez tort de buter sur ces aspects mercantiles, morbides et misérables de la ville. L’âme de Bénarès s’apprivoise peu à peu.
Le souffle spirituel est bien là, l’essence de ce lieu saint se respire tard le soir dans les ambiances nocturnes aux lueurs pâles, ou tôt le matin dans les nuages de brume, bercé par les rames d’une barque. Les couleurs se révèlent, ou s’estompent, les senteurs s’évaporent et se diffusent. Les Sâdhus s’emmitouflent dans la nuit ou guettent les premières lueurs de soleil pour réchauffer leurs corps.
Les balades sur les Ghats prennent alors une tout autre allure, une marche entre la vie et la mort, entre le palpable et le spirituel. D’un côté les eaux sombres du Gange, de l’autre les marches, les murs décrépis couverts de graphismes colorés, hindi tout en courbes comme un labyrinthe d’émotions. Entre les deux mon esprit vacille, obscurité, couleurs, sentiment flou entre deux mondes, à peine distants l’un de l’autre, reliés par un simple souffle. Sentiment que naitre à la vie, c’est aussi naitre à la mort. Fissure du moi, qui fait sombrer dans un entre deux méditatif.