Julien Ermine est un photographe âgé de 33 ans. Son activité se concentre essentiellement sur la photographie d’actualité et de reportage.
Photographe dans l’Ouest de la France, il couvre l’essentiel de l’actualité nationale de cette région.
Ses reportages s’orientent quant à eux, principalement sur des thématiques liées aux inégalités sociales à travers le monde.
En 2013, il est nominé à trois reprises aux concours des Photographies de l’année. Il remporte le prix de la Photographie de l’année dans la catégorie « Humaniste » ainsi que le prix du meilleur Jeune talent photographique. En avril 2014, Il reçoit le prix du Reportage de l’année pour un sujet traitant de la révolte des bonnets rouges.
EXPOSITION BARROBJECTIF 2015 : Un toit c’est un droit
La petite ville de Pacé, situé en banlieue rennaise, abritait avant l’expulsion décidée par les autorités françaises, à la fin du mois de novembre 2012, le plus grand squat de sans-papiers d’Europe.
Quelques centaines de personnes (autour de 250), parmi lesquelles des dizaines d’enfants, habitaient ce bâtiment.
Irréguliers, demandeurs d’asile, clandestins, avaient été relogés, temporairement.
Plusieurs d’entre eux dans des maisons en campagne, loin de l’agglomération de Rennes, loin de ses services de transport… et loin du regard de la ville.
Cette masse de personnes indifférenciées, englobées sous le terme « immigrés », ont leur propre histoire, toutes différentes les unes des autres. Que sont-ils devenus? Où vivent-ils ? Pourquoi sont ils en France ? Comment subsistent-ils ?
Loin du cliché trop habituellement véhiculé sur la situation des sans papiers, ce reportage part à la rencontre d’hommes et de femmes dignes, aux situations de vies souvent plus complexes qu’elles n’y paraissent.
Ils sont originaires d’Afrique, d’Europe de l’est ou encore d’Asie et sont venues en France tenter une nouvelle vie. Ils ont l’ambition d’un avenir meilleur au vue des situations qu’étaient les leurs dans leur pays d’origine et espère que la France ou d’autres pays d’Europe leur permettront d’entrevoir la vie sous un jour plus radieux. Ils ne demandent certainement pas la Lune.
Les Sans papiers expulsés du squat de Pacé sont accompagnés dans leur démarche par une association « Un toit, c’est un droit » spécialisée dans le soutien aux personnes sans papiers. Elle les connait, sait où ils vivent.
A la Hâte, celle ci les a en partie relogés. Avec de faible moyen et un gros cœur, l’association leur retrouve un toit pour quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. Les bénévoles les accueillent, les aident dans leurs démarches administratives, ou leur rendent visite au centre de rétention. Pour ainsi dire, l’association tente son possible pour aider et entraider ses familles dignes dans le besoin.
Le squat des familles originaires d’Europe de l’est se situe en périphérie de Rennes, à Saint jacques de la Lande. Cinq familles ont trouvé refuge dans une maison simple et entretenue à raison d’une famille par chambre. La décoration est sommaire mais la maison est confortable et entretenue, une façon comme une autre de se sentir « normal ».
Ce squat a été investie quelques semaines auparavant et les enfants ont déjà été re-scolarisés, les parents eux s’inquiètent de pouvoir travailler, de retrouver une situation de vie convenable malgré l’épée de Damoclès qui pèse sur leur quotidien : une nouvelle expulsion.
Toutes ces familles raconte la même histoire : Elles viennent toutes du Caucase, Ils sont Géorgiens, Ossètes et Tchétchènes. Tous racontent la même histoire. Ils sont entrés entrés en Europe par la Pologne, par l’aéroport de Terespol. Mais dans cette ville polonaise, à la frontière avec la Biélorussie, il n’y a aucun aéroport. Une voiture privée, qu’ils appellent « taxi », a pris le relai depuis Terespol pour traverser la Pologne, l’Allemagne et ensuite la France. Destination : Rennes. Trois jours sur la route, 1800 € environ pour y arriver.
L’une de ces familles est venues en France pour raison médicale. Ils habitaient Tbilisi en Géorgie, étaient considérés comme aisés. Le cadet de la famille souffre d’une grave maladie rénale et ont vendus leur deux maisons « au pays » dans l’espoir d’une opération chirurgicale qui le sauvera. La Complexité de la France se résume au travers de leur situation : Ils ont obtenu un titre de séjours pour raisons médicales, mais ne possèdent ni droit au logement, ni permis de permis de travail. En clair, ils peuvent séjourner en France, sans toit, et sans pouvoir officiellement leur permettre de pouvoir subvenir à leur besoin. Un non-sens.
Lorsque le squat fera l’objet d’une expulsion, il faudra en chercher un autre. Les enfants scolarisés devront changer d’école et le processus d’intégration, qui passe par l’éducation, sera brisé une fois encore. Tout est forcement temporaire. Tout recommencera. Les autres familles ont aussi leur particularité, leur histoire. Certains ont fui l’enfer, l’oppression partisane ou encore la guerre.
Il n’est pas facile de suivre la soi-disante « communauté des sans papiers ». On se rend compte que tous les sans papiers n’étaient pas logé dans « le plus grand squat d’Europe ». L’odyssée des expulsés de Pacé n’est pas la seule. Certaines situations sont plus complexes. Les migrants arrivent continuellement et les expulsions des squats se succèdent.
Le plus grand squat est dorénavant l’ancienne église Saint Marc dans le quartier de Villejean où logent 80 sans papiers. Là aussi, le squat est propre, une atmosphère en perpétuelle recherche de normalité domine malgré les difficiles conditions de vies : l’intimité n’existe pas, l’électricité ne fonctionnent pas ou peu, certains dorment dans de grande salles aménagées en dortoir de fortune.
Certaines familles ont « échouées » en Bretagne, abandonné par leurs passeurs, alors qu’il se croyait …en Grande Bretagne. D’autres, mineurs, ont fait l objet de trafic en tout genre, ou d’usurpation de leur identité. Ils se retrouvent complètement seul à des milliers de kilomètres du lieu qui les a vue naître. Bringuebalé entre les squats et le centre de rétention à 15 ans n’est pas une vie. Certains de ses sans papiers ont toutes les peines du monde à comprendre ce qui leur arrive. Les Situations leur échappent quasi quotidiennement.
C’est ainsi que l’association tente par tous les moyens de leur venir en aide. Elle pare au plus urgent avec les moyens du bord ; cours de langue Française, de cuisine, de couture, accompagnement aux audiences des tribunaux, accueil des nouveaux arrivants, etc.
La seul idée directrice étant basée sur une idée toute simple, résumée par la présidente de l’association : « Ce sont des hommes et des femmes, ont tous, comme nous, un cœur qui bat et l’entraide doit passer avant tout. Réduire les inégalités et prodiguer un traitement humain à autrui est la base de la relation envers autrui. »
En attendant de futures expulsions, il me revient à l’esprit une phrase d’un sans papier géorgien détenteur d’un bac+5 « J’aimerais bien m’inscrire à l’Université ici. Mais je n’ai pas l’autorisation légale de travailler, ni de pouvoir payer mes études. C’est interdit pour moi. Je ne veux pas vivre en France uniquement avec des Georgiens, ni comme un Georgien. Je suis en France maintenant. Je veux vivre avec des français, comme les français, en tant que Géorgien, c’est une nuance incomprise de vos autorités ».