Né à Villeurbanne en 1961, Youry Bilak baigne depuis sa tendre enfance dans la culture ukrainienne. Il la reçoit tout d’abord de ses parents, réfugiés en France après la guerre, puis de ses propres recherches, humaines et artistiques, tout au long d’un parcours singulier.
Très tôt, Youry s’initie à l’art de la danse cosaque et ukrainienne. Il n’a que sept ans lorsqu’il monte pour la première fois sur scène. À l’adolescence, son père, qui ne se sépare jamais de son appareil photo un Telka I 6×9, lui transmet sa passion de la photo. C’est à cette époque que le jeune Youry entre lui-même dans la vie active, un diplôme de prothésiste dentaire en poche et consacre son premier salaire à l’achat de son premier appareil, un Minolta SRT 100 X.
Parallèlement, Youry poursuit sa carrière de danseur en amateur. Il se met au classique et au modern jazz, en plein boum au début des années 80. Il s’essaye au mime et se produit à ses heures perdues dans des spectacles de rue. En 1983, il part en Ukraine pour la première fois, à Lviv, pour y suivre un stage de danse ukrainienne. C’est le choc culturel, il se trouve là dans une ville où l’on parle la langue de ses parents.
Fort de cette expérience, toujours pendant des congés sans solde, il enchaîne des stages à New York. Puis il rejoint pour quatre mois une troupe de danseurs ukrainiens dans un cabaret de Toronto, Ukrainian Caravan. Il vibre de sa passion. Sa technique photographique se peaufine pendant ce temps, il s’adonne à la photographie d’architecture. Les gratte-ciel de Toronto et surtout de New York le fascinent. Finalement, le déclic pour la photo humaniste, qui deviendra son credo par la suite, arrive au cours de deux longs voyages à moto, au Maroc puis en Israël.
1986, le tournant artistique professionnel décisif. Jérôme Savary arrive à Lyon et l’auditionne pour un rôle de danseur, chanteur et comédien dans sa nouvelle création au Théâtre du 8e (La Maison de la Danse). C’est la version française de « CABARET », célèbre comédie musicale qui, en 1972, fut adaptée au cinéma pour Liza Minelli. Youry est engagé, quitte la prothèse dentaire, et le voilà parti pour une tournée de trois ans en Europe dont une année au Théâtre Mogador à Paris. C’est une expérience qui le comble particulièrement. Médias, personnalités, il voit le Tout-Paris défiler. « Je prenais des photos à tout bout de champ, même depuis la scène, en cachette ».
En 1990, il commence à jouer des spectacles pour enfants en one man show puis se met à la mise en scène. Il prend la direction artistique d’un centre de vacances ukrainien à Rochepaule, en Ardèche, acheté par des membres de la diaspora de la génération de ses parents. Au travers d’un spectacle, il transmet à son tour aux enfants la culture ukrainienne. Il place sur scène chaque année plus d’une cinquante d’enfants dans des comédies musicales ukrainiennes.
En ce début de troisième millénaire, Youry investit dans du nouveau matériel photographique et part à la rencontre du monde, en commençant par le pays de ses origines. De 2004 à 2010, il découvre dans les Carpates l’atmosphère qui l’avait tellement marqué dans le premier film que ses parents l’on emmené voir en 1967 : « Les chevaux de feu » de Paradjanov. C’est dans ces montagnes enchanteresses que vivent les houtsouls.
Le photographe aime rencontrer les gens au hasard de ses voyages, ne sachant pas où et vers qui la providence le pousse. Avant tout, c’est la rencontre avec l’Homme qui l’intéresse. « À chaque fois, je vis ces images comme un cadeau que l’humanité me fait ». De ses voyages, naît en 2007, en Ukraine l’exposition « Ukrainiens » qui rencontre immédiatement un vif succès. Pour représenter l’Ukraine en 2009, elle se poursuit dans un format beaucoup plus grand et en plein air, à Fribourg en Allemagne. Le point d’orgue de cette exposition est la mise en relief de ces photos adaptées aux non-voyants. De 2008 à 2009, plus de quarante mille personnes se pressent pour aller les toucher aux quatre coins de l’Ukraine.
En 2010, à Kiev et au Palais Royal à Paris, Youry dévoile ses photos de studio dans « BILAK’s BACKS », une exposition où il met en lumière le dos féminin. En 2011, il prend part à une exposition collective « Mineurs du monde », en plein air et en grand format au centre minier de Faymoreau (Vendée, France). Pour obtenir ces photos, il vit le quotidien des mineurs de fond aussi bien dans l’est et que dans l’ouest de l’Ukraine. Une expérience inoubliable.
D’une manière générale, Youry Bilak part à la rencontre de minorités inexorablement influencées par l’Occident et témoigne ainsi pour les générations futures. Mutations et cultures ancestrales menacées de disparition : un sujet qui questionne l’avenir de notre propre société, elle aussi en transition. Ainsi en 2012 ses houtsouls ont l’honneur de participer aux Rencontres Européennes littéraires de Cognac qui s’interrogent, comme Youry en son temps, sur ce pays qu’on appelle l’Ukraine…
En 2013, il s’engage comme Artist Angel pour Madagascar et plus particulièrement pour le peuple Zafimaniry lors d’une exposition et vente aux enchères caritative chez Christie’s Paris.
En 2013 et 2014 a lieu la tournée canadienne des « Houtsouls ». Mais l’actualité exige davantage. A Toronto, en septembre 2014, Youry participe à une vente aux enchères caritative organisée par la Fondation Canada Ukraine (CUF) en présence du Premier ministre canadien Stephen Harper. Ses photos du Maïdan permettent de récolter des fonds destinés à l’Opération Rainbow pour l’aide médicale en Ukraine.
EXPOSITION BARROBJECTIF 2015 : Le pays des Houtsouls
Le pays des houtsouls est une des régions les plus pittoresques de l’Ukraine. Situé à cheval sur la région d’Ivano-Frankivsk et la Transcarpathie, il s’étend également pour une petite partie, en Roumanie. Son territoire en Ukraine représente plus de 5.000 km2, pour une population d’environ 170.000 habitants.
D’après le Professeur Maria Lavruk de l’Université Nationale Ivan Franko de Lviv, les Houtsouls forment une sub-ethnie, au sens ethnographique du terme, bien distincte du reste des ukrainiens. Leur culture populaire et traditionnelle, en dépit de la crise, témoigne d’une remarquable vitalité, y compris parmi la diaspora.
Sergueï Paradjanov dans «Les chevaux de feu », a immortalisé l’image mythique des houtsouls. Plus récemment, la chanteuse Ruslana avec ses «Wild Dances» a remporté le Concours de l’Eurovision sur un thème houtsoul. L’ «Arkan», danse typique de la région, fait partie du répertoire classique ukrainien.
En 2004, le photographe français Youry Bilak découvre la région à Kosmatch. La beauté de la nature, et l’art des houtsouls l’ont émerveillé. Mais ce sont avant tout les gens qui l’ont charmé. Il est allé à leur rencontre, a découvert leur esprit, partagé leurs joies et leurs peines, puis il s’est attaché à photographier leur environnement et leur vie quotidienne. L’objectif principal de Youry Bilak est de témoigner devant les générations futures, afin de préserver ce patrimoine inestimable que constituent la culture et l’art houtsouls. Pour cela, il a visité les villages de Kosmatch, Kryvorivnia, Yavoriv, Sokolivka, Kosiv, photographiant sur son chemin, ce que les villageois avaient de singulier et d’authentique.
Après avoir constitué une belle collection, rendant compte d’un pan entier de la culture houtsoule, Youry Bilak a travaillé à la publication d’un ouvrage « Houtsouls, dans l’ombre des Carpates » en le dédiant au 600e anniversaire de Kosmach (1412-2012), le plus grand village de la Houtsoulie et d’Europe (90 km2). Ce recueil, sorte de chronique en photos du pays houtsoul, constitue un précieux témoignage, aussi bien aux yeux de l’Ukraine qu’à ceux du reste du monde.