David Siodos _ À l’ombre des vivants

David Siodos _ À l’ombre des vivants

Rien ne me prédestinait à devenir photographe. Né d’une famille modeste, la discrétion et le labeur étaient les rouages de mon éducation. Je ne faisais pas de vagues et suivais un parcours classique sans relief. Plus tard, je débutais ma vie professionnelle, mais je ne parvenais pas à m’accomplir totalement. Par hasard,  la photographie  a changé ma vie. Sensible et curieux, le destin m’a ouvert les portes d’une exposition non loin de chez moi, à Toulouse. Le travail du photographe Willy Ronis était mis à l’honneur et pour la première fois dans ma vie, je me sentais parfaitement à ma place. Dès lors, je décidais de parcourir la rue à la recherche d’une scène de vie, d’une émotion unique. J’étais perdu, mais totalement heureux. Plus tard, je me retrouvais à arpenter les abords du périphérique pour documenter la vie de ceux dont on ne parle pas. Depuis, mon travail se concentre sur la vie alternative via des projets mettant en avant la marginalité à travers des lieux différents.  À travers ma photographie, je m’attelle à présenter un monde difficile et reclus sous un angle humain et poétique.

Naturellement attiré par la ville et sa banlieue, mon œil s’est volontiers tourné vers l’humain. Particulièrement consumé par la détresse des invisibles des rues, mon travail s’applique à retranscrire le monde des ombres sous le prisme du merveilleux.

 » Ma vie est un rêve qui ne finit jamais… « 

Ce sont les mots de Pierre, un SDF toulousain.

Sa grâce semblait illuminer la rue, pourtant plongée dans l’obscurité. Le repaire, dans lequel il squattait depuis une éternité, trahissait son charisme si particulier. Une vie sans impératif, sans artifice, seulement guidé par ses instincts, et son ombre…

© David Siodos

Les vivants se bousculent… Ce matin encore, la rue est le théâtre de ce ballet absurde. Leurs langages corporels semblent démontrer qu’une fois encore, leurs retards est inéluctable. Prisonniers de leur emploi du temps, et contraints d’appréhender la vie sous pression, les passants chavirent. Tous, ont l’illusion d’avoir une prise sur leur vie. Peu en profite vraiment. Les gisants, eux, ne simulent plus. Certains s’enchantent même de cette décadence. Ce monde qui s’agite, les renvoie à leurs désillusions. Ces hommes et ces femmes qui se tiennent hors du temps, ne sont-ils pas davantage en contact avec la réalité ? Ce sont ces interrogations qui, je crois, motivent mes excursions.

À travers la série « À l’ombre des vivants » je me suis attaché à suivre des individus qui errent, travaillent ou habitent à la périphérie de la vie… Au point de ne plus savoir moi-même si je suis vivant… Ou simplement une ombre.