Mohammed Zaanoun _ GAZA, l’enfance blessée

Mohammed Zaanoun _ GAZA, l’enfance blessée

Mohammed ZAANOUN entouré d’enfants
à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza
12 novembre 2023

Mohammed ZAANOUN, photojournaliste gazaoui indépendant de 37 ans, est lauréat de plusieurs prix arabes et internationaux pour ses photographies de grand reporter.

Il a été grièvement blessé lors de la couverture de l’invasion israélienne de 2006, dans le quartier d’Al-Shujaiyya, qui lui a fait perdre certaines parties de son visage en plus de plusieurs blessures sur tout son corps. 

Après avoir guéri, il reprend le travail et couvre, l’ensemble des événements de la bande de Gaza photographiant les bombardements, les destructions, les manifestations telles que Les marches du retour et principalement les enfants blessés.

Il travaille aujourd’hui pour plusieurs médias dont le journal Le Monde, le « New York time » et pour des Organisations Non Gouvernementales. Il fait partie du collectif Active Stills

https://www.activestills.org

Dès le déclenchement du siège total de la Bande de Gaza le 7 octobre 2023, Mohammed Zaanoun photographie la dévastation de Gaza sous les bombes israéliennes et ses photos sont dramatiques. Elles témoignent de la terreur des civils pris pour cibles par les bombardements israéliens.

Une bombe a détruit sa maison et l’a forcé à se diriger vers le sud de la bande de Gaza. Une partie de ses photographies a peut-être disparu.

Aujourd’hui il vit en exil en Égypte où il a pu se réfugier avec toute sa famille.

https://www.instagram.com/mohammedzaanoun

 
« Partout sur la route, je suis témoin des bombardements, constamment on entend des explosions, je vois les missiles frapper.
Où que tu regardes, tu vois des immeubles détruits. Dans les rues flotte l’odeur des dépouilles des martyrs, de la poudre, de l’incendie et de la mort. Il y a plus de mille corps coincés sous les décombres parce que les secouristes ne sont pas assez nombreux face à l’ampleur des bombardements. Eux, les équipes médicales, mes amis journalistes… Tous sont des cibles, beaucoup ont été tués »

Mohammed ZAANOUN, Gaza, le 21 octobre 2023.

« C’est un niveau d’attaque et de violence sans précèdent alors que le monde entier regarde et laisse cela se produire sans l’arrêter efficacement et de façon permanente.
Le niveau de déception et d’abandon est énorme, ce qui aggrave la réaction à cette situation traumatique.
Je prétends qu’il n’y aura personne à gaza épargné par les évènements. Le traumatisme est énorme et la douleur et la perte sont si répandues que les méthodes habituelles d’intervention que nous avons utilisées dans le passé ne seront pas suffisantes ou appropriées pour cette situation
 »

Docteur Samah Jabr,
Psychiatre Cisjordanie décembre 2023
Em Ahmed Shamalakh douche ses enfants dans la baignoire épargnée par les frappes israéliennes.
Dans un acte de survie, elle essaie de prendre soin de ses enfants.
Gaza-City le 12 août 2022 © Mohammed ZAANOUN

Une jeune fille fait du skate-board sur le port ; Des enfants célèbrent un anniversaire dans ce qui reste de leur maison ; Une famille palestinienne déjeune dans un champ en fleur dans la campagne de Gaza ; Des centaines de Palestiniens se rassemblent sur la plage de Gaza pour se rafraîchir au coucher du soleil. Voilà ce qui nous parait désormais impensable… et pourtant ces photographies de Mohammed Zaanoun, photojournaliste gazaoui, membre du collectif Activestills, nous montrait ce qui a été, sans pour autant nous cacher le contexte traumatique de grandir à Gaza… Déjà l’occupation, les guerres, les souffrances…  

Les attaques meurtrières du Hamas du 7 octobre 2023 en territoire Israélien vont déclencher de la part d’Israël une riposte d’une violence et d’une ampleur inouïe sur la bande de Gaza.

Le blocus total et les bombardements méthodiques et incessants sur les habitations et les hôpitaux plongent la population de la bande de Gaza et particulièrement les enfants dans une souffrance physique et psychologique terrible.

Les photographies de Mohammed Zaanoun s’en ressentent. Impossible d’échapper aux regards apeurés, accusateurs, déchirants de ces enfants pris pour cible au milieu d’un enfer aux couleurs des martyrs. Et pourtant, Mohammed Zaanoun continue de nous offrir des photographies dont la forte puissance poétique transcende l’intérêt informatif.

Un homme tient dans ses bras un nouveau-né sauvé des décombres de sa maison dans la ville de Gaza, après que sa mère ait été tuée ; Les parents écrivent les noms de leurs enfants sur leur corps pour les identifier au cas où ils seraient tués. Saturées, les morgues ont du mal à recevoir tous ces corps entassés à même le sol des hôpitaux au bord de l’effondrement.

Avec comme but de guerre affiché la destruction totale du Hamas, Israël a totalement privé la population de nourriture, d’eau, de carburant et d’électricité, et a ordonné aux habitants du Nord de quitter leurs maisons et de se diriger vers le Sud. Plus de 1,4 millions de gazaouis. Puis les bombardements se sont intensifiés au Sud tuant des milliers de civils. 27 700 personnes, en grande majorité des femmes et des enfants, sont décédées au 18 janvier 2024, chiffre communiqué par le ministère de la Santé de Gaza, jugé crédible par l’ONU, qui exclue les milliers de personnes décédées hors des hôpitaux.

Ce nouvel exode forcé, c’est l’Histoire qui se répète car beaucoup d’habitants de Gaza sont déjà des réfugiés, forcés en 1948 de quitter leurs maisons lors de la « Nakba ».

Nous avons choisi quelques-unes de ses photographies, des images fortes qui témoignent de l’innommable, une guerre d’extermination méthodique d’enfants palestiniens.

Puissent les photographies de Mohammed Zaanoun, nous aider à sauver notre humanité !

Jean-Marie Boulet, Florence Ait-Salah
Commissaires de l’exposition

Légende de l’image d’en tête

Un enfant pleure suite à une frappe aérienne israélienne. Beit Lahia, Gaza-City, le 13 mai 2023. © Mohammed ZAANOUN

Des enfants se couvrent d’une bâche de plastique pour se protéger des pluies diluviennes de l’hiver.
Beit Lahiya, au nord de la Bande de Gaza, le 24 novembre 2021 ©
Mohammed ZAANOUN