Chantal SERÈNE, est née en Roumanie en juin 1982, passionnée de l’image depuis ma tendre enfance passée dans le sud de la France. Entre 12 ans et 15 ans, j’aimais beaucoup dessiner des paysages, des visages, des danseuses classiques à la Sanguine ou au Fusain.
À 16 ans, je m’attelais à reproduire à la mine de plomb sur papier grand format le tableau de David « Le Sacre » peint entre 1805 et 1807. J’ai toujours eu de la facilité pour reproduire les tableaux que j’aimais. J’ai intégré un enseignement universitaire en Histoire de l’Art à la Faculté de Lettres de Montpellier où j’ai pu découvrir différents courants artistiques en peinture, étudier le travail de composition et de lumière autour d’une œuvre. Mes goûts se sont très vite portés vers le Clair-Obscur de Rembrandt, le Luminisme de Caravage, la Querelle du Coloris, le Réalisme de Gustave Courbet et Jean-François Millet. Boursière de la Fondation Napoléon à Paris quelques années plus tard, mes travaux de recherches sur l’étude des costumes de scène et de la mode vestimentaire au Premier Empire m’ont permis d’entrer d’une manière intimiste dans la garde-robe et la vie privée des gens de l’époque.
Ne disposant ni de la technique ni des moyens des artistes peintres des siècles derniers, la photographie est l’outil actuel qui me permet de me rapprocher des ambiances intimistes provoquées par le mouvement de la lumière, dans le portrait comme dans le photoreportage.
En dehors de la photo, l’univers des Arts et Traditions Populaires a toujours fait partie de ma vie.
Après 20 ans de danse traditionnelle, j’ai été pendant 5 ans photographe officiel de festivals internationaux. C’est tout naturellement, par le biais du folklore, que depuis 2014 j’ai eu envie de mieux connaître la région des Maramures au nord-ouest de la Roumanie. Elle a en effet su garder jusqu’à présent ses traditions, malgré la mondialisation à ses portes. Je me suis intéressée aux personnes et à leurs habitats traditionnels, personnes tellement humbles et authentiques m’ont permis longuement d’entrer dans leurs intérieurs et de partager leur quotidien. Une façon de créer des liens, d’apprendre à connaître leur histoire, leurs croyances et superstitions. Muni de mon trépied, du Nikon D 800, du 20mm, 50mm et 85mm, les fenêtres des maisons me servent de boite à lumière naturelle, permettant de créer des jeux d’ombres et de lumières.
EXPOSITION BARROBJECTIF 2023 : La Transylvanie d’hier et d’aujourd’hui
La Roumanie?…Personne n’ignore ce pays d’au-delà du rideau de fer. Personne n’a oublié les images que les télévisions du monde entier montraient, ce jour de Noël 1989: la fin dramatique du régime national-politique et la mort du dictateur Ceausescu et de sa femme, sommairement jugés et exécutés devant les caméras. Aux yeux de tous, les souffrances d’un peuple, l’horreur, étaient dévoilées, une image terrible que la presse et les photographes et reporters ne se lassèrent pas de montrer. Dès lors, combien de touristes eurent envie d’aller visiter ce pays et ce peuple meurtri ?
Quelles sont les raisons qui aujourd’hui, ont attiré irrésistiblement la photographe que je suis ? Je ne saurais dire. Il y en a tellement ! Est-ce le lien très fort de ce pays avec la nature et l’univers ? Est-ce l’inattendue philosophie de ce peuple mis à genou, à pratiquer l’autodérision, à exceller dans l’art d’inventer des blagues? Est-ce le goût de ce pays pour les mythes et légendes ?
Si, en Roumanie, toutes les régions présentent un attrait touristique inégalé, dans le Nord-Ouest, existe “une province tout près des nuages”. Les montagnes et les forêts très denses y ont préservé une authenticité persistante qui a disparu, ailleurs, en Europe. Cette région, c’est la région du Maramureș.
C’est là qu’il faut aller pour trouver l’âme de la Roumanie. La population vit à l’écart du monde, et au rythme du temps et des saisons, les paysans travaillent pour vivre et depuis des temps immémoriaux savent se contenter de ce que la terre leur octroie.
Chaque habitant est un artiste en sa matière. Il travaille encore et toujours avec les matériaux et techniques de ses ancêtres, durement. Il aime les « fêtes qui rassemblent », les chants, les danses, les repas champêtres. La plupart du temps, vêtu du costume traditionnel, il est infiniment respectueux de la religion, des rites, des coutumes et des mythes qui rythment sa vie de tous les jours. Il vénère et redoute à la fois les légendes et ceux qui les perpétuent. Il éprouve encore de la crainte en entendant les récits des vieux témoins qui racontent, avec une très grande conviction, des événements sinistres et macabres dus à l’intervention de créatures maléfiques dans leur vie. Une légende hante depuis la nuit des temps les veillées et les réunions arrosées des hommes au café du village. C’est celle de la “ Femme de la Forêt” et ses multiples versions…assez terrifiantes, il faut bien le dire !
Que puis-je apporter de plus moi, photographe étrangère, sinon leur montrer à tous leurs vrais visages. Les villageois du Maramures ne me fuient pas, bien au contraire. Ils acceptent volontiers de se laisser photographier. De leur isolement est né une sorte de complexe d’infériorité. Ils sont dignes et à la fois honteux de leur rusticité mais ne changeraient pour rien au monde. Ils apprécient timidement les avantages de la modernité mais défendent farouchement leurs coutumes.