José Nicolas _ Témoin de décembre 1989

José NICOLAS est né en 1956 à Casablanca au Maroc. Depuis 1984, je suis reporter photographe. J’ai commencé par travailler pour un quotidien régional puis pour des organisations humanitaires telles que Médecins du monde qui m’a permis de suivre Bernard Kouchner dans ses missions au Kurdistan, en Afghanistan, en mer de Chine, au Liban …

Pendant 15 ans, j’ai couvert tous les conflits pour l’agence Sipa-Press à Paris (le Tchad, la guerre du Libéria en 1990, la guerre du Liban de 1984 à 1986, l’Afghanistan, la révolution roumaine en 1989, la Bosnie de 1991 à 1996, la Somalie en 92-93, …

Depuis 1996, je suis devenu indépendant et collabore régulièrement avec les revues françaises et étrangères. Je suis aussi auteur de plusieurs livres sur de multiples sujets qui me tiennent à cœur. Depuis 2014, je me consacre à mon fonds photographique que je valorise soit par des acquisitions auprès des musées et collectionneurs, par des ouvrages ou par des expositions.

Livres :

  • Souffle du Monde Ed. ACF – BBK
  • Les soldats de l’ombre Ed – BBK
  • GIPN – Au cœur de l’action Ed. L’Instantané
  • Légion Etrangère– ED.ETAI
  • Afghanistan Ed. l’Esprit de tous les combats
  • Les hommes des roseaux Acte Sud – Ed. du Rouergue
  • Les vins du Rhône – Cotes et Vallée – Ed. Glénât
  • Le Bandol Ed. Loubatieres
  • Vivre pour Vivre (1979-2011 : parcours d’un photographe)
  • French Doctors, l’aventure humanitaire – Ed. La Martinière 2017
  • Tchad, des héros anonymes – Ed. Imogene 2018

Prix :

  • 1987 – Prix de l’action humanitaire
  • 1994 – Prix Marc Flamant

http://josenicolas-art.fr/fr/accueil.html

..EXPOSITION BARROBJECTIF 2021 : Témoin de décembre 1989..

En 1989, je suis photographe à l’agence Sipa Press. L’époque est faste pour le photoreportage.
Le 22 décembre, j’arrive en fin de matinée à l’agence ; c’est l’effervescence : Nicolae Ceaușescu vient d’être renversé. Rapidement quatre personnes sont choisies pour partir en Roumanie ; j’en fais partie. C’est l’effervescence, nous allons témoigner d’un événement historique, la chute du dictateur roumain.

L’avion que nous partageons avec FR3 atterrit vers 17 h à Bucarest. L’aéroport est encore une passoire ; une demi-heure après il est fermé à tout trafic.
Nous arrivons dans la capitale roumaine ; il fait nuit. Le mouvement populaire s’amplifie, l’armée le réprime.

Révolution Roumaine 1989
Roumanie, Bucarest le 23 décembre 1989. Après le départ de Nicolae Ceaușescu, un militaire brandit le drapeau roumain à une fenêtre du palais.
Roumanie, Bucarest le 23 décembre1989, Le soldat casqué engoncé dans son uniforme de gros drap, écoute un manifestant qui lui indique la cache d’un sniper. A l’arrière, trois autres insurgés tendant vers l’objectif la une d’un journal : « Libertatea ».

Les gens courent dans tous les sens, des tirs d’armes automatiques crépitent. Un de nos camarades de l’agence Sygma prendra une balle dans la jambe. À pied nous nous dirigeons vers la télévision où il n’y a plus personne, puis vers le palais de Ceaușescu. Une foule est massée place de la République devant l’édifice, des flammes s’échappent, la population essaie de pénétrer à l’intérieur, des tirs sporadiques la font reculer, finalement nous rentrons tous ensemble. La nuit est longue.

Un drame survient : le grand reporter Jean-Louis Calderon est accidentellement tué par un char. Au petit matin, les tirs reprennent. Comme au spectacle, la foule regarde progresser les soldats ; ils courent, se jettent au sol, tirent des rafales et repartent. La paranoïa est extrême, on voit des espions de la Securitate (police politique) partout, des suspects sont arrêtés ou lynchés par la foule en délire.

Tout se déroule en direct sous nos yeux ; nous enchainons les images, les pellicules défilent. Nous faisons de petits groupes, personne ne sait ce qu’il se passe, c’est dangereux. Du palais partent quelques tirs auxquels ripostent les mitrailleuses de char et les kalaches des soldats.

Les jours suivants, la tension retombe. Pour le Nouvel An, des intellectuels et hommes politiques viennent boire une coupe de champagne, puis repartent. Des vedettes se font photographier avec des enfants rachitiques dans les bras…

C’est la fin du régime de l’un des plus sinistres dictateurs du bloc soviétique.

Jacques Pion _ Donetsk, sur le chemin de l’oubli

Jacques PION est un photographe français formé à l’École Nationale Louis Lumière (1983). Membre du collectif Hans Lucas. Ayant plus de vingt ans d’expérience dans le monde entier, sa recherche d’un lien et d’un dialogue, aussi intime que possible, avec ses sujets est à la base de sa démarche.
« J’essaie de décrire avec lumière les moments de la vie de l’humanité »

  • 2016 le prix du « Meilleur reportage photographique de l’année » dans le cadre du concours « Les Photographies de l’Année France » pour son travail de terrain à Idomeni (Grèce).
  • 2018 prix de la Fondazione Forma « MilanoMeravigli »

http://www.jacquespion.com/

..EXPOSITION BARROBJECTIF 2021 : Donetsk, sur le chemin de l’oubli..

En février 2015, les accords de Minsk 2 ont arraché après de longues heures de négociations un cessez-le-feu applicable le 15 du même mois et qui prévoyait notamment le retrait des armes lourdes sur la ligne de front entre l’Ukraine et les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk. Mais qu’en est-il au quotidien ?

La réalité en ce début d’année 2020 est malheureusement bien différente.

sur les chemins de l'oubli. Donetsk-Ukraine
Un chien attend son maitre devant l’entrée de l’hôpital. Donetsk, Ukraine, le 31 décembre 2019. © Jacques Pion

Malgré une courte période d’accalmie pendant les dernières fêtes de fin d’année, les tirs ukrainiens ont repris contre la population de la république « séparatiste ». Des mortiers de 120 mm et des obusiers d’artillerie lourde bombardent toujours les zones périphériques de la ville de Donetsk. La stratégie de harcèlement employée par le gouvernement de Kiev semble assez claire.
Sur le plan militaire, elle vise à vider progressivement de toute présence humaine civile les zones proches de la ligne de front pour permettre une avancée éventuelle, aujourd’hui impossible.
Sur le plan politique intérieure à calmer les partisans de la guerre et sur le plan extérieur à provoquer une révision des accords de Minsk au profit d’un scénario de type Croate, voire leurs abandons.
Le plan de paix semble s’effriter chaque jour un peu plus sans qu’aucune voix officielle ne s’élève. Il faut souligner que le contexte politique en ce début d’année 2020 est très instable entre une pression nationaliste extrême en Ukraine, qui ne veut rien lâcher, et un possible changement d’orientation politique de Moscou dans le Donbass.
En attendant un hypothétique règlement du conflit, la population souffre encore et encore.

Cette guerre européenne a déjà fait entre 10 000 et 20 000 morts.

À Donetsk, des quartiers entiers et des villages proches du front, parfois coupés en deux, se vident progressivement provoquant un exil vers des zones plus « calmes » ou à l’étranger, des maisons brulent, des murs s’effondrent, des fenêtres volent en éclats laissant les dernières Babouchkas et les familles qui refusent de quitter leurs maisons, seules au milieu de quartiers déserts.

Deux babouchka s’embrassent dans la rue. Donetsk, Ukraine, le 07 janvier 2020. © Jacques Pion

Chaque semaine apporte son lot d’enterrements de civils innocents ou de combattants souvent très jeunes qui s’engagent dès l’âge venu dans les forces de défense à l’exemple de ces 4 jeunes de 20 ans tués, en ce mois de janvier 2020, sous les bombardements ukrainiens.

Le bilan est encore lourd : 328 soldats républicains ont été tués en 2019 et déjà une vingtaine depuis le début de l’année 2020.

La plupart des enfants qui vivent ou ont vécu, proches de la ligne de front, sont traumatisés. La perte d’un papa trop tôt disparu, les bombardements qui résonnent encore dans leurs têtes et qui réveillent leur anxiété à chaque détonation sourde. C’est toute une génération qui n’aura connu que la guerre et dont il faudra s’occuper un jour.

Sur tous les visages rencontrés qui n’ont rien de bien « terroristes » — ce qualificatif est encore employé par le gouvernement de Kiev — j’ai pu lire le désarroi, la lassitude, la tristesse, la fatigue et la souffrance. Mais malgré cela et le nombre de désillusions vécues dans l’espoir d’une fin proche du conflit, rien ne semble vouloir entamer la volonté de ce peuple fier et solidaire à vouloir décider de son propre destin.