INVITÉE D’HONNEUR EN 2002
BIOGRAPHIE
Photo-reporter depuis 30 ans, Marie Dorigny, 59 ans, a d’abord travaillé en tant que journaliste rédactrice. Elle a rejoint la photographie en décembre 1989 lors de la révolution roumaine et a réalisé depuis des reportages engagés sur le travail des enfants, la condition des femmes ou les formes contemporaines d’esclavages.
Son travail, publié dans la presse nationale et internationale, a également été exposé à maintes reprises, dans les galeries photos de la FNAC (l’esclavage domestique), au Festival Visa pour l’Image de Perpignan (travail des enfants et accaparement des terres), en passant par la Bibliothèque Nationale de France (prostitution et immigration clandestine) ou encore le Muséum de Lyon (Cachemire).
Son dernier travail en date, « Displaced, femmes en exil », un reportage réalisé sur commande, en 2016, pour le Parlement Européen, a été exposé durant trois mois à Bruxelles par le Parlementarium ainsi qu’à Visa pour l’Image.
Parmi les récompenses qui lui ont été attribuées, on peut citer :
- 1991 : un World Press pour son reportage sur les ravages de l’Agent Orange au Vietnam
- 1998 : le Prix Kodak du jeune photo-reporter pour son travail sur l’esclavage domestique
- 2013 : elle est lauréate d’une bourse du festival « Photoreporter en baie de St Brieuc », pour un projet de reportage sur les violences faites aux femmes au Népal
- 2014 : lauréate de la bourse photo AFD/Polka pour son projet « Main basse sur la terre » sur l’accaparement des terres arables dans le monde, travail exposé par la suite à la MEP (Maison Européenne de la Photographie)
Trois monographies présentent également son travail photographique :
« Enfants de l’ombre » aux Éditions Marval, 1993, « Cachemire, le paradis oublié » aux Éditions du Chêne, 2004 et enfin, « L’inde invisible », Éditions CDP, 2008.
EXPOSITION DES 20 ANS DE BARROBJECTIF : Népal, le pays qui n’aimait pas les femmes
En 2009, une étude du ministère de la santé népalais révélait que la première cause de mortalité chez les femmes âgées de 15 à 49 ans était le suicide. Ce triste résultat fait du Népal un cas unique au monde.
Dans l’ancien royaume himalayen, les formes de violences traditionnelles à l’égard des femmes sont légion : violences domestiques, discriminations spécifiques comme le chaupadi , qui les relègue les femmes dans les étables durant les périodes de menstruation, infériorité juridique, consacrée par le fait que seuls le père ou le mari peuvent décider de donner la citoyenneté à leur fille ou épouse. Sans leur bon vouloir, une Népalaise n’a pas même d’existence légale. Dans les provinces de l’ouest du pays, les plus arriérées, plus de 60% des femmes sont dans ce cas.
Mais à ces atteintes anciennes se superposent de nouvelles menaces liées à la situation délétère du pays. Valse des gouvernements, corruption endémique, vide constitutionnel… Depuis la fin de la guerre civile et la chute de la monarchie en 2006, le Népal est en proie à une instabilité chronique. Dans ce chaos politique et institutionnel, la pauvreté et les trafics en tous genres prospèrent, dont les femmes sont devenues les premières victimes.
Minées par l’incurie des autorités en matière de développement économique, et par les premiers effets du réchauffement du climat, les campagnes se vident. Dans des régions entières, les villages ont été désertés par les hommes, partis travailler en Inde ou dans les pays du Golfe. Livrées à elles-mêmes, les femmes croulent sous le double fardeau des tâches domestiques et des travaux agricoles, sur fond d’insécurité alimentaire grandissante (25% de la population est désormais concernée).
Quand elles prennent le chemin de l’exil avec leur famille, c’est pour finir dans les bidonvilles qui se multiplient autour de Katmandou, où chômage et alcoolisme nourrissent la violence domestique.
La misère n’alimente pas simplement les mouvements migratoires, mais aussi le trafic d’êtres humains, dont les femmes sont aussi les premières cibles. Trafic international en pleine expansion : des milliers de Népalaises étaient déjà vendues aux bordels indiens chaque année ; avec l’apparition de nouveaux réseaux mafieux, elles finissent désormais jusque dans ceux du Golfe et de l’Asie.
Trafic interne aussi : elles sont désormais des milliers à vendre leur corps dans les bars et salons de massage de la capitale, alors que la prostitution y était jusque-là quasi inexistante. Une nouvelle source d’inquiétude pour les ONG qui craignent que le Népal devienne la prochaine destination phare pour le tourisme sexuel.
Face à cette situation, ONG et société civile s’organisent, avec souvent des femmes en première ligne : avocates luttant contre l’inégalité juridique, travailleuses sociales gérant des foyers d’aide à la réinsertion des anciennes prostituées, brigade de policières spécialisées dans la violence domestique se battent au quotidien pour leurs concitoyennes… Mais toutes ces initiatives constituent encore de faibles remparts, face à cette vague féminicide.
Marie Dorigny/Marie-Amélie Carpio