Robin Tutenges _ Chinland

Robin Tutenges _ Chinland

Robin TUTENGES né en 1995, est un photojournaliste français qui travaille principalement sur les crises et leurs conséquences, en s’attachant à raconter la grande histoire à travers la petite.

Il a notamment travaillé avec les combattants de la junte en Birmanie (finaliste du Prix Lucas Dolega-SAIF 2023 de RSF, Prix Victor Hugo 2023), les survivants des camps chinois du Xinjiang réfugiés au Kazakhstan (Sélectionné pour le Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre 2023) ou encore la révolte des paysans en Inde (Prix de la presse diplomatique 2021).

Depuis 2023, il concentre son travail sur le mariage des filles dans le monde (bourse du Centre européen de journalisme) et sur la communauté des skateurs en Ukraine pendant la guerre (bourse du Centre national des arts plastiques en France). Ses reportages ont été publiés dans la presse française et internationale.

Le Chinland est un territoire montagneux, acculé à l’ouest de la Birmanie. Sous les épaisses forêts, les Chins, l’ethnie à majorité chrétienne qui peuple la région, luttent contre la junte au pouvoir depuis le coup d’État de 2021.

Les Chins, comme les autres minorités ethniques du pays, sont la cible des pires exactions de la Tatmadaw, le bras armé de la junte bouddhiste. Massacres, destruction des villages et des lieux de culte: les militaires redoublent de cruauté dans cette guerre qui a déjà fait 4.000 victimes civiles à l’échelle du pays. Face à ces exactions impunies, la jeunesse chin a massivement rejoint les organisations combattantes formées dans l’État.

Autrefois étudiants ou fermiers, ces jeunes soldats ont pris les armes pour protéger leur famille et obtenir la démocratie.

Une femme s’effondre de douleur devant la tombe d’une des victimes de l’attaque de la junte dans le petit village de Khuafo. La veille, deux avions de chasse de la junte ont largué plusieurs bombes, faisant 9 victimes civiles, dont deux enfants (12 et 8 ans), une mère et sa fille (50 et 15 ans), deux sœurs (33 et 31 ans) un jeune (17 ans, qui a succombé à ses blessures) ainsi qu’un couple (19 et 18 ans), qui laisse derrière eux un jeune enfant en bas âge. Birmanie, Khuafo, État Chin, 31/03/2023.© Robin Tutenges

Cette résistance contre l’oppression se fait au prix du sang et des larmes. Pour reprendre la main, l’armée birmane a généralisé depuis le début de l’année 2023 un outil de terreur : les bombardements meurtriers ciblant les civils, rangés du côté des insurgés.

À chaque nouveau village chin bombardé et endeuillé, des familles entières sont poussées à l’exode. Un quart de la population de l’État Chin a déjà été forcé de se déplacer pour fuir les combats. Parmi eux, de nombreux enfants traumatisés par la guerre qui s’entassent dans des camps coupés du monde par la junte, que les ONG peinent à atteindre.

Certains Chin choisissent aussi l’exode vers le pays limitrophe du Chinland, l’Inde, où les réfugiés côtoient les nombreux mutilés de cette guerre. Une situation qui illustre le drame humain qui se joue à l’échelle du pays: au total, on compte plus de 1,6 million de déplacés internes depuis le coup d’État, et 17,6 millions de Birmans ont aujourd’hui besoin d’aide humanitaire.

Les combattants du CNA, dont certains prennent ici un bain dans la rivière Tiau, frontière naturelle avec l’Inde, sont souvent très jeunes. Ils ont parfois tout juste 15 ans. Birmanie, Camp Victoria, État Chin, 07/03/2023. © Robin Tutenges
Légende de la photo d’en tête

 
Des volontaires venus de tout le Chinland s’entraînent dans le Camp Victoria, un camp militaire caché dans la forêt de l’ouest birman, géré par le Chin National Army (CNA), le principal groupe armé Chin qui lutte contre l’armée birmane. Les recrues de la cinquantième promotion défilent une dernière fois pour préparer la cérémonie de fin de formation, qui aura duré 4 mois. Birmanie, Camp Victoria, État Chin, 09/03/2023.