Chiara Dazi _ Le Derby (de Moldavie)

BIOGRAPHIE

Chiara DAZI s’intéresse aux questions européennes et à l’idée d’appartenance. Elle aborde ses sujets avec empathie, comme une anthropologue se plongerait dans leur intimité, tout en cherchant dans le quotidien la beauté. Chiara est née en Italie. Elle a travaillé à Paris pour l’Agence VU’, avant de gagner son diplôme à Berlin avec « Wandertage », reportage sur la tradition séculaire de la Wanderschaft, vagabondage des compagnons et compagnonnes des métiers.
Fascinée par les sports et les coutumes, elle travaille actuellement à un projet qui couvre les pays de l’ex-Union soviétique.

https://www.chiaradazi.com/

Moldavie / Transnistrie / Ternovka / Mars 2016 / Des supporters du FC Zimbru Chisinau chantent pour leur équipe sur les terrasses du stade FC Dinamo Auto, situé sur la rive gauche du Dniestr. Pour accéder au match, les supporters doivent passer un contrôle aux frontières et recevoir un visa de 10 heures pour le territoire de Transnistrie.

La République de Moldavie est un petit pays européen, inconnu de la plupart des gens, et si on en parle dans la presse, c’est pour faire état de sa pauvreté extrême et des problèmes de corruption. Avant, la Moldavie faisait partie de l’Union soviétique. Aujourd’hui, c’est un pays indépendant. A l’est, la région autoproclamée, pro-russe, de la Transnistrie ; au sud, la province autonome turcophone de Gagaouzie. Au nord, la frontière avec l’Ukraine, à l’ouest la Moldavie touche la Roumanie, et donc l’Union européenne.

Si le stade est l’endroit où les identités se révèlent tout en reflétant la société, le foot est un miroir fidèle des multiples contrastes dont la Moldavie est riche. Sur un terrain de foot, ces différentes collectivités se trouvent renforcées, mais en même temps ce sport fournit un lieu unique d’échange et de communication. Les clubs des différentes régions franchissent leurs frontières tous les dimanche pour jouer sur un terrain commun. Ils s’efforcent de marquer des buts pour gagner, oui, mais ils construisent aussi un dialogue d’avenir.

Passionnée de foot, après les championnats de 2015–2016, j’ai entrepris de sillonner le pays, pour découvrir une situation plus compliquée encore. Les joueurs et leurs supporters doivent se soumettre à un contrôle des passeports pour se rendre à Tiraspol, mais on ne rencontre aucun obstacle en allant vers la région autonome de la Gagaouzie, où pourtant on parle une langue différente. De plus, les fans d’un même club se partagent selon leur préférence linguistique, pour le russe ou le roumain.

Les paradoxes de la Moldavie sont faits de cette hétérogénéité de langues et de cultures, à quoi s’ajoutent les différences entre leurs terrains de foot, et les complications financières des clubs. Pourtant, la langue internationale du foot a un pouvoir unifiant.