Angélique Boissière _ Marée

BIOGRAPHIE

À 27 ans, Angélique BOISSIERE présente son premier livre «Marée» L’occasion pour elle de se dévoiler, de dépasser sa nature un peu réservée. L’occasion pour vous de mieux la connaître, de découvrir la femme derrière la photographe.

Elle est bercée dès son plus jeune âge dans une culture artistique. Esthète dans l’âme, elle fait ses études littéraires et une école d’arts appliqués. Par la suite elle devient graphiste. En 2014, elle se lance dans la photographie argentique, avec de nombreuses inspirations en tête. Sally Mann, Francesca Woodman ou quelques grands noms de la haute-couture Paolo Roversi, Helmut Newton…Si elle a d’abord posé, elle s’est sentie plus photographe que modèle. Parce qu’on fond d’elle sommeillent des histoires…
Et quelles histoires nous raconte-telle ? Angélique nous parle de l’énigme du temps. Un temps épais, long, qui traine, et ce, alors même que nous vivons dans une ère de l’immédiat. L’argentique lui permet de prendre ce temps, de choisir minutieusement cette seconde durant laquelle elle appuie sur le déclencheur. Une photographie, ce n’est jamais un instant. Un simple fragment. Et pourtant, il est suffisamment long pour évoquer l’infini, la solitude, le silence, le mystère, peut-être même la mort…Ce faisant, ses portraits en noir et blanc au moyen format ressemblent à des souvenirs, empreints de nostalgie.
La jeune femme nous donne à voir une élégance surannée, sans pourtant qu’on puisse précisément la dater. Une élégance qui lui vient de ses longues années de danse classique et des heures passées à dessiner des modèles vivants. Elle transmet simplement une certaine conception de la beauté, sans la prétention d’élaborer un discours théorique rationnel.

Angélique une des rares femmes photographes à se consacrer essentiellement au nu féminin. Selon ses propres mots, elle fait du « portrait nu « . Mais si la nudité est présente dans ses travaux, elle n’est jamais qu’une manière de s’approcher d’une forme d’essence de l’Homme, dans la lignée de la longue tradition artistique du nu en Occident. Elle donne à voir ces femmes dans leur seule beauté, dépouillées de tout artifice, ramenées dans une espèce d’égalité originelle. Reste alors la pureté de l’émotion cristallisée par le grand noir et blanc.
Malgré ses débuts relativement récents, son travail a été remarqué lors de nombreuses expositions : au festival Beijing Photo à Pékin (2016), durant sa rétrospective à la Peep Art galerie à Bruxelles (2017), pendant le festival européen de la photographie de nu à Arles (2017), à la Galerie Claude Samuel à Paris et à la Maison de photographie de Lille, dans le cadre de l’exposition 30 under 30 women photographer (2018).
Loin d’être grisée par ses premiers succès, elle avoue humblement qu’elle ne considère jamais son travail achevé. Une éternelle perfectionniste : la jeune femme concède au bas mot qu’il manque encore des clichés à son livre. Dans sa pratique photographique, elle se cherche, inlassablement. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ses travaux disent beaucoup d’elle. Elle aime à répéter parfois les propos d’Oscar Wilde : « tout portrait peint avec sincérité est le portrait de l’artiste et non du modèle… ». Alors au fond, à quoi bon cette note biographique ?

https://www.angeliqueb.com

« Ils disent que je suis aqueuse.

Aqueuse est en leur bouche un mot tranchant car ils ne savent plus se baigner nus, et pour mieux vivre, ils ont fait de ma nudité un défaut. Ils disent que je suis instable, que je vais et que je viens pour abolir dès le lendemain l’ouvrage de la veille. Par moi pourtant furent accomplies des myriades de renaissances, mais l’orgueil des enfants déborde : il leur cache jusqu’au voile qui les aveugle. Ils crient si je tarde, ils crient si je me montre froide, sans comprendre que leur cœur est abstrait de la mesure du monde, et qu’ils ne lui commandent pas.

Ils ne me commandent pas.

J’abreuve et me retire avec ou sans eux : je les précède, leur survis, et ma muette leçon n’a nul besoin d’être entendue. Je porte la vie comme le sang maintient la leur. Je porte leur reflet et leur négation, et ils ferment les yeux face au paradoxe. Leurs paupières sont vides quand je suis le plein. En moi, la vérité pure, l’innocence dans ce qu’elle offre de tendre et de cruel. En moi l’âpreté de l’hiver et la torpeur de l’été, en moi nourriture, vie, repos, mort. Si l’on veut m’aimer, que l’on me prenne pour ce que je suis, rien d’autre.

J’ondule, indifférente à la crainte et à l’admiration ; je suis, et cela doit nous être suffisant.

Il est des âmes qui viennent à moi sans craindre cette nudité. Elles s’écorchent les pieds à ma rencontre, restent accroupies au bord de mes flancs, frissonnent sous mes embruns. Ainsi exposées, vulnérables contre ma force, elle ont abandonné leur fardeau pour mieux s’abreuver. Elles s’unissent en moi sans jamais se confondre, deviennent paysage en observant mon portrait, et leur unité grandit quand à travers elles je me fais multiple.

L’homme les a appelées nymphes parce qu’il pensait que seul le divin était capable de se montrer nu. Dieu est mort, et la vêture a pris sa place, mais pas la mienne. Je reste là, au milieu de moi-même, au milieu d’elles, insensibles au dédain que la marche du monde nous porte, à nous autres aqueuses. »