Anne-Charlotte Compan _ Histoire d’un katala

BIOGRAPHIE

Anne-Charlotte COMPAN Photographe autodidacte, j’ai d’abord navigué dans les univers de l’éducation spécialisée et de la communication.

Ainsi, pendant une dizaine d’années, j’ai travaillé en tant qu’éducatrice spécialisée auprès de différents publics. Adolescents souffrants de troubles du comportement, adultes en situation de handicap, tous m’ont touchée par leur personnalité et leurs histoires de vie.

Après avoir vécu trois années aux USA, une compagnie américaine pour laquelle j’ai travaillé auparavant me propose un poste d’assistante au service communication à Paris. Un an plus tard, je passe responsable. Passionnée par l’image, je développe un intérêt grandissant pour les moyens d’expression et d’information.

À la croisée de ces deux univers professionnels, j’ai décidé de devenir photographe pour raconter les personnes et les sujets qui me touchent. Après une formation à l’écriture au CFPJ, je suis aujourd’hui photographe indépendante et membre du studio Hans Lucas depuis juillet 2016. Je travaille sur les sujets d’actualité et les thèmes qui me sont chers tels que l’exclusion, le handicap, les rapports entre l’homme et la nature. La photographie a toujours été en toile de fond, comme un refuge et une respiration, aujourd’hui je m’épanouis pleinement en vivant ma passion au quotidien.

https://www.annecharlottecompan.com/

Jean-Paul à 14 ans, menacé de mort pour s’être opposé à l’excision de sa soeur, il a fui la Guinée pour se réfugier en France. Reconnu mineur par l’ASE, mais faute de place en structure, il vit à la rue. Ici, Jean-Paul devant la Cathédrale de Rouen. Il vient s’asseoir devant tous les soirs pendant presque 1h. Jean-Paul at 14 years, threatened with death for having opposed the excision of his sister, he fled Guinea to take refuge in France. Recognized as a minor by the ASE, but lacking a place in structure, he lives on the street. Here, Jean-Paul in front of the Cathedral of Rouen. He comes here everynight and seat here for almost an hour.

C’est en avril 2017 que je rencontre Jean-Paul*, il a 14 ans et est originaire de Guinée. À l’âge de 12 ans, après le décès de sa mère, lui et sa soeur sont confiés à leur grand-père. S’opposant à l’excision de sa jeune sœur, il est menacé de mort par sa communauté. Jean-Paul décide alors de fuir son pays.

Son périple pour rejoindre la France dure plus d’un an. Afin de financer son voyage il trouve du travail en tant que manœuvre, puis boulanger en Algérie. Il tombe amoureux de ce métier, mais ne se sentant pas en sécurité dans ce pays, il décide de reprendre la route. Pendant la traversée entre le Maroc et l’Espagne, le moteur du bateau de fortune tombe en panne. Il croit mourir.

« Si c’était à refaire, maintenant que je connais les conditions, je ne le ferais plus. »

Seulement quelques mois après son départ de Guinée, il apprend le décès de sa sœur, morte des suites de l’excision.

« La France c’est le pays de mes rêves. »

Jean-Paul choisit la France pour reconstruire sa vie, car il a confiance, ce pays saura le protéger et lui permettre d’aller à l’école afin qu’il puisse travailler et vivre dignement.

En arrivant à Rouen, la police l’oriente vers l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) dont la mission est de protéger les mineurs en danger, qu’ils soient français ou non. Invoquant un manque de place, les services de l’ASE ne proposent pas d’aide à Jean-Paul.

Pendant plus d’un mois, ils le convoquent toutes les semaines, tentent d’authentifier sa minorité mais ne lui proposent pas d’endroit pour se loger ni de quoi se nourrir.

Trouvant refuge chez Médecins du Monde pendant la journée, Jean-Paul passe ses nuits à errer seul dans Rouen.

Craignant de se faire agresser ou de mourir de froid, il s’oblige à marcher pour ne pas dormir.

« Ça va passer, les choses doivent se faire petit à petit, si Dieu le veut, ma situation va s’arranger. »

Après plusieurs semaines passées dans la rue et de nombreuses démarches auprès de l’ASE, sa minorité a été reconnue. Pendant plus d’un an, il a bénéficié d’un accueil provisoire en hôtel et en août 2018 il est enfin accueilli dans un appartement encadré par des éducateurs.

En septembre 2018 il a intégré un apprentissage en boulangerie, son rêve. La mobilisation citoyenne orchestrée par son patron a permis de lui trouver un logement près de la boulangerie où il sera en apprentissage pendant deux ans. Aujourd’hui il partage son temps entre une semaine d’école à Rouen et deux semaines d’apprentissage dans le pays de Caux.

Son temps libre est consacré à perfectionner son français et jouer au foot, son sport préféré sur lequel il est incollable.

À ce jour, le Département de la Seine-Maritime prend en charge plus de 600 mineurs non accompagnés. Le Conseil départemental a confié l’évaluation de leur minorité et leur hébergement d’urgence au CASP (Comité d’action et de promotion sociale). Récemment, cent soixante-dix places d’hébergement supplémentaires ont été créées et un appel à projet pour deux cent cinquante nouvelles places a été lancé.

Malgré ces mesures, le nombre de mineurs non accompagnés ne cesse d’augmenter. L’antenne de Médecin du Monde rouennaise recense toujours plus de jeunes arrivants. Une vingtaine de mineurs dorment à la rue entre quatre et six semaines avant d’être pris en charge. Si le Département à son rôle à jouer dans l’accueil de ces jeunes personnes en danger, c’est également au niveau national et européen que les réponses restent à ce jour inadaptées.

*Le prénom de Jean-Paul a été modifié à sa demande.