Patrick Chauvel

INVITÉ D’HONNEUR 2000
1er invité d’honneur du festival

BIOGRAPHIE

Patrick Chauvel est né en 1949. Il a, pendant 35 ans, photographié la majeure partie des conflits qui ont sévi dans le monde, du Vietnam à l’Irak. Nourri par Kessel, Monfreid ou Schoendoerffer, il a voulu aller au plus près de l’actualité. Ses images ont fait la une des plus grands médias dans le monde : Paris Match, Time Magazine, Life, Newsweek, il a reçu le prestigieux World Press. Par ailleurs, Patrick Chauvel est réalisateur et producteur de documentaires et reportages.

 

Photographe Patrick Chauvel

http://www.fonds-patrickchauvel.com/

« Victoire, c’est fini, Daech est vaincu ! »

Tous les trois jours, la coalition arabo-kurde, les Forces démocratiques syriennes (FDS) annoncent la fin définitive de l’« État islamique ». Tous les quatre jours, ils abordent une trêve pour proposer « aux combattants de se rendre et épargner les civils ». Il s’agit en effet de faire sortir les quelque 5 000 femmes et enfants de djihadistes qui restent dans le camp de tentes et de véhicules mesurant à peine 2 kilomètres carrés.

La victoire serait donc proche. C’est fort de ces déclarations que le 10 février je suis parti en Syrie afin d’assister à la chute du Califat qui menait sa dernière bataille. Les djihadistes sont alors encerclés dans la ville de Baghouz : au sud par les troupes de Bachar El-Assad, à l’ouest et au nord par les Kurdes et les Arabes. Ils se trouvent coincés à l’Est entre le fleuve Euphrate et la frontière irakienne gardée par les milices chiites, bombardés 24 heures sur 24 par l’aviation française et américaine. C’était une question d’heure…

La réalité fut tout autre.

Les 5 000 civils se sont multipliés au rythme des trêves. Un mois, jour pour jour, après mon arrivée, c’étaient plutôt 20 000 « civils » et combattants qui étaient sortis de ce minuscule réduit.

A chaque offensive, les FDS rencontraient la même résistance acharnée. Snipers, tirs de roquette ou encore mines retardaient la victoire tant de fois annoncée. Ceux qui avaient décidé de sortir de « l’enfer de Baghouz » racontaient : « Il y a des blessés mourants par centaines, plus d’eau, plus de nourriture, plus de soins… » Ce fut ce que me confia une jeune Française en pleurant, serrant son petit garçon de 2 ans et demi dans ses bras. Certains voulaient partir d’autres non. Intox ou réalité, impossible de savoir, le mensonge est de mise. Les combattants qui se rendent affirment tous être cuisiniers, jardiniers… En comptant bien, il y aurait donc près de 7 000 cuisiniers ! Baghouz mériterait d’être dans le Michelin, seulement voilà, les femmes affirment qu’on y meurt de faim.

La réalité est effectivement bien plus sordide et explosive. Aucun des hommes capturés n’exprime de regret et les femmes sont les plus virulentes. À Tanek field  au nord de Baghouz, dans le désert où les « civils » sont triés, elles agressent les combattantes kurdes pour leur tenue et l’absence de voile, refusent d’être touchées par les médecins qui tentent de les aider, attaquent les journalistes. Récemment, l’une d’elles s’est fait exploser avec son enfant au milieu de ceux qui voulaient se rendre, tuant les hommes, les femmes, les enfants et quelques FDS venus les chercher. Il ne faut pas tomber dans le piège du genre, ces femmes ne sont pas des civiles. Elles sont djihadistes. Après un tri sommaire, toutes finissent avec leurs enfants au camp de réfugiés d’Al-Hol au nord du Kurdistan syrien, où 60 000 « réfugiés » croupissent dans un espace insalubre prévu pour 15 000 personnes. Meurtres de femmes qui ne suivent plus les règles du Coran, émeutes, tentes incendiées par les réfugiées… ces fantômes en noir sont des bombes à retardement, tandis que les hommes ricanent d’avance de notre faiblesse.