Pierre FAURE – FRANCE
Né en 1972 et vit en France, il a étudié les sciences économiques. De 2012 à 2014 il aborde les thèmes de la grande précarité et de l’exclusion. Il passe une année sur un bidonville « Tziganes », en 2012 et deux années en centre d’hébergement d’urgence et centre d’hébergement et de réinsertion sociale « Les Gisants », 2013, « Le Bateau », 2014. Devenu membre du studio Hans Lucas en 2013, il documente la montée de la pauvreté en France, en parcourant l’ensemble du pays depuis 2015.
Prix Roger Pic, 2016 I Prix I shot it, 2017 I Prix Albert Kahn, 2018 I Prix Fidal, 2018
Pierre Faure à reçu le prix Camille Lepage en 2017
L’association Camille Lepage – On est ensemble décerne depuis 2015 un prix aux photographes engagé(e)s dans un projet au long cours. Ce prix doté de 8OOO€ est remis durant le festival » Visa pour l’image « . Depuis 2 ans la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF) s’engage aux côtés de l’Association Camille Lepage – On est ensemble pour financer le prix .
EXPOSITION PARTENAIRE 2018 : France prériphérique
Montée de la pauvreté en France, témoignage photographique.
Depuis 2015, je documente la montée de la pauvreté en France en privilégiant les zones rurales et péri-urbaines. Ce travail a pour but de rendre visibles et concrètes les conditions de vie d’une partie de nos compatriotes.
Le titre « France Périphérique » est emprunté à l’ouvrage éponyme du géographe Christophe Guilluy qui aborde les problématiques politiques, sociales et culturelles de la France contemporaine par le prisme du territoire. Il s’intéresse à l’émergence d’une « France périphérique » qui s’étend des marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes jusqu’aux espaces ruraux en passant par les petites villes et villes moyennes. Il souligne que désormais 60 % de la population — et les trois quarts des nouvelles classes populaires — vit dans cette « France périphérique », à l’écart des villes mondialisées.
La France compte 8,8 millions de pauvres (INSEE, 2016) et 2,3 millions de personnes vivent au mieux individuellement avec 672 euros par mois. Comble pour l’un des premiers producteurs agricoles mondiaux, pour manger, près de deux millions de personnes auraient eu recours à l’aide alimentaire en 2015 (Observatoire des inégalités).
Économiste de formation, je m’intéresse aux évolutions qui modifient la société française en profondeur, sur le long terme. La pauvreté a baissé à partir des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990. Elle est ensuite restée plutôt stable jusqu’au début des années 2000 avant d’augmenter.
Depuis 2004, le nombre de personnes pauvres a progressé de 1,2 million (+ 30 %). Ce mouvement de hausse constitue un tournant dans l’histoire sociale de notre pays. La dégradation économique enregistrée depuis 2008 pèse tout particulièrement sur les moins favorisés (source : L’Observatoire des inégalités).
Mon objectif est donc de réaliser un témoignage photographique de la hausse structurelle de la pauvreté dans l’hexagone.
Au-delà des statistiques, le phénomène est peu visible. Pourquoi ? Les analyses de Pierre Bourdieu et Michel Legros peuvent nous éclairer. Selon le premier, l’invisibilité sociale est un effet de la domination. L’espace social est un espace clivé, divisé entre dominants et dominés. Dans la conception la plus large, l’invisibilité concerne tous ceux que les dominants estiment ne pas relever d’une vie normale et accomplie.
Pour Michel Legros (Observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale), l’invisibilité peut constituer un mode de régulation de la pauvreté. Il s’agit alors de rendre les pauvres invisibles. Les politiques urbaines visent notamment à « nettoyer » l’espace public en évitant que les pauvres ne l’occupent trop massivement pour ne pas déranger le reste de la population. La rénovation urbaine a pu conduire à repousser les pauvres toujours plus loin en périphérie, et la politique de mixité sociale passe en réalité par l’expulsion plus ou moins directe et négociée de catégories que l’on ne souhaite plus voir dans les espaces rénovés. (ONPES).
Je souhaite que ce témoignage rende visibles et concrètes les conditions de vie d’une partie de nos compatriotes. Que des visages se substituent aux statistiques afin d’apporter au public des éléments de sensibilisation et de compréhension.
Car le regard des Français sur les pauvres se fait plus dur. Selon une enquête du Crédoc (1) portant sur un échantillon représentatif de 2 000 personnes, effectuée de décembre 2013 à janvier 2014, et publiée le 12 septembre 2014, 37 % des Français pensent que les personnes qui vivent dans la pauvreté n’ont pas fait d’efforts pour s’en sortir alors qu’ils n’étaient que 25 % en 2009, au déclenchement de la crise.
(1) CREDOC : Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.